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AMOUR DE LA PROVENCE, AMOUR DU MONDE






    " Etouffer le nomade "
   
   
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    Avec le temps aussi, il lui devient plus pénible de quitter son pays. " D'autre part, continue-t-il dans la même lettre, je suis loué d'être parti, d'avoir réalisé ma vie et mes poèmes, au moment aussi où je perds le goût de ces ruptures répétées qui, à la longue, m'écoeurent. Que de fois j'aurai construit ma maison et je l'aurai démolie ! Finalement, après tant d'années, je suis sans rien de stable, alors qu'il me vient de plus en plus une envie sourde de m'enraciner. " Le 23 janvier 1960, à la veille de la retraite, il écrit " une lettre circulaire aux quarante-et-une agences immobilières marseillaises " pour " les inviter à [lui] offrir dès l'arrivée " la sorte de maison qu'il désire. " C'est assez excitant, note-t-il, pour l'instinct casanier qui sommeille même chez les nomades les plus endurcis. " Puis le 29 février, citant un de ses vers : " Il faudra bien qu'un jour j'étouffe le nomade ", " Ça y est, commente-t-il, je crois bien qu'il est mort. " Comme un navire, Louis Brauquier revient à son port d'attache, préférant désormais la présence à la nostalgie.
   
    " Vivre comme un paysan "
   
    Le 14 décembre 1958, il évoque déjà pour Audisio la campagne provençale de la retraite : " Il y a des maisons de garde-barrière très charmantes du côté de Lavalduc et de Plan d'Arenc, entre les étangs, Istres, Saint-Mitre et Fos ; c'est un beau pays où j'aurais plaisir à voisiner avec toi, une fois bien assuré que les trains n'y passeront plus. " Ce malicieux rejet du train n'est pas tout à fait innocent. Il traduit l'inquiétude de Louis Brauquier devant la montée de la civilisation industrielle et les dégâts qu'elle provoque en Provence : " Je pense [...] au village de Tignes, écrit-il le 13 avril 1952, à ma campagne de Saint-Mitre, qu'une route nationale va traverser pour le charroi des citernes pétrolières, et je me rends compte que, dans ce monde en proie aux ingénieurs, il ne nous restera bientôt plus rien d'humain et que tout va nous être étranger. " Cet homme des antipodes et des pays lointains a toujours conservé l'amour de son coin de campagne.







Louis Brauquier par Roger Duchêne
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