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AMOUR DE LA PROVENCE, AMOUR DU MONDE






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    La même idée s'exprime avec encore plus de force dans une réponse à Audisio, depuis Sidney, le 10 décembre 1931 : " Tu allais te coucher sur ton lit d'antipode. Je t'assure que ça me rend nostalgique. Le voilà bien l'antipode pur qui me tourmentera toujours au-delà des géographies. Ton antipode n'est pas le mien, et c'est toujours celui qui n'est pas à moi que je veux. Erreur de croire que l'on s'embarque pour des points précis. On va chercher l'amour de ce qu'on quitte. C'est très épatant ". Ou encore, le 9 janvier 1927, associant sa femme à ses sentiments : " Ce n'est pas qu'à des moments le désir de l'amitié ne nous pousse à regretter Marseille ; nous pensons à de petits bars, à d'autres navires, à des visages, mais il y a une telle douceur dans cette nostalgie qu'elle est elle-même la fin et le moyen. "
   
    Un amour d'éloignement et d'imagination
   
    On ne comprendrait pas ce qu'est l'amour de Louis Brauquier pour son pays si l'on négligeait ces aveux. C'est un amour de loin, un plaisir né d'une privation, une jouissance à base de nostalgie, d'un désir de retour qui vient du regret d'être parti, mais dont on ne savourerait pas la violence si l'on était resté. Un tel amour se nourrit de souvenirs plus que de présence.
   
    Il se nourrit aussi d'imagination. Car l'éloignement délivre de l'insatisfaction, de tout ce qui, dans la réalité, empêche ce qu'on aime de ressembler à l'idéal qu'on s'en est fait. De retour à Marseille, le poète déçu s'interroge parfois : " Où sont les amis ? " Il ne retrouve pas toujours ce qu'il venait chercher. Dès le temps de son service militaire, alors qu'il affirme le plus la douleur de l'exil, il avoue ne pas être sans crainte tandis qu'il est en route pour sa première permission : " Dans le buffet de l'immense gare, écrit-il le 7 août 1921 à Metz, je suis l'âme en peine et le coeur en joie. Pourtant je ne sais quelle angoisse naît de cette reprise de contact [...]. Il faut, pour être véridique, dire que j'ai mal à l'estomac. " Puis, évoquant la foule marseillaise du dimanche : " Que serai-je, interroge-t-il, que vais-je avoir perdu dans cet exil contraire ? Quelle lumière, quelle légèreté ne manquera ? [...] Gaby, toi tu es heureux. Moi, je suis malheureux. Voilà. "
   
   







Louis Brauquier par Roger Duchêne
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