Amour de la Provence, amour du monde

Un contestataire solitaire

Car Louis Brauquier est individualiste, et sa contestation reste solitaire : " Pour moi, plus que jamais, écrit-il le 12 juin 1936, le héros, l'homme qui cherche et que réclame un destin exceptionnel, c'est le solitaire, celui qui n'entraîne personne dans sa démarche, qui ne recherche personne, Lindbergh ou Gerbaud, et je choisis ce dernier encore, parce qu'on le traite de fou. " Et sans transition apparente, par un lien des idées qui tient précisément à son refus de la guerre et des engagements, Louis Brauquier continue : " Je me rappelle avec plaisir cette image de Mistral et de Barrès, côte à côte, un jour en Provence, et évoquant les réfractaires provençaux qui refusaient de se laisser napoléoniser et prenaient la Camargue ou le Lubéron. Barrès, ce brave à trois poils, tous retombants d'ailleurs, s'en indignait à cent ans de distance, d'autant plus que Mistral en souriait avec une indulgence, dirai-je approbative. " Louis Brauquier n'aime ni les militaristes ni les idéologues. Sa Provence appartient à ceux qui aiment l'amour, non la guerre.

402

De Trêves, pendant son service militaire, il écrivait déjà le 31 juillet 1921 : " Comment avons-nous pu être influencés par l'esprit de cette Allemagne où tout est carré et sans nuances ? Leur laideur est un aveu, leur force les condamne [...]. Je me tourne vers le Sud avec des cris angoissés, parce que je sais qu'ils le convoitent, qu'ils descendent armés avec des mains avides, et que nous sommes seulement capables d'aimer la vie éperdument comme des enfants qui ne veulent pas mourir, mais ne veulent pas non plus détourner leur visage et faire face à l'envahisseur s'ils sont en train de jouir du soleil avec une insouciance grave. " tre Provençal, pour Louis Brauquier, c'est aimer la vie dans l'innocence et l'inconscience de l'enfance : jouir du soleil est une chose trop sérieuse, trop " grave " pour qu'on l'interrompe, même pour se défendre. Ce n'est pas lâcheté, mais refus instinctif, naturel, de la violence.