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"...Longue amitié, fleuve fidèle... "
Mais le bonheur trouvé dans l'amour conjugal et l'exercice de sa profession serait pour Brauquier incomplet s'il n'avait pas la possibilité d'en partager les joies avec de vrais amis. Toute l'oeuvre poétique est placée sous leur signe, les poèmes n'ayant souvent pas d'autre titre que la dédicace à tel d'entre eux. Même le désir d'écrire est associé au souvenir de l'amitié de Sicard et des jeunes gens qu'il assemblait autour de lui sur le Vieux-Port, et la gloire future liée à l'idée d'un petit groupe de jeunes gens amis lisant ensemble ses poèmes. Lorsqu'il vient en permission à Marseille en 1940, l'une de ses grandes joies est d'avoir pu rencontrer un grand nombre de ses amis, " non dispersés, ou plutôt, par un hasard que tu trouverais miraculeux, il s'est trouvé que, durant ces dix jours, je me suis vu placé au carrefour de routes dispersantes, et tous mes amis navigateurs ont touché terre à Marseille - je n'ose croire pour moi. " Le port est le lieu privilégié des rencontres. Rien de plus triste par conséquent qu'un retour sans amis, ou presque, pour vous accueillir : " Il y a bientôt un mois que nous sommes ici. C'est toujours la même solitude. Où sont les amis ? Tout ça glisse sous le pied du voyageur qui débarque " (22 février 1930). On se sent étranger, même dans son pays natal, si l'on n'y retrouve pas la chaude atmosphère de l'amitié.
Mais il faut de l'amitié vraie, et Louis Brauquier refuse les faux-semblants des relations entre Européens de " la colonie " : " Nous nous efforçons, maintenant que la saison s'ouvre, de résister à l'envahissement de la Mondanité Tout un code non écrit prévaut sur la franchise des relations, la sympathie ne joue pas, la situation l'emporte sur tout ; c'est d'un conformisme ahurissant [...]. Quels prodiges il faut faire pour se garder seul et libre " (12 janvier 1936). Refusée comme moyen de réussir en littérature, la " Mondanité " est repoussée aussi comme ersatz de l'amitié. La liberté des sentiments comme celle de l'inspiration se conquiert et se conserve par la solitude.
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