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Le poète y a contemplé ces " cartes sans récifs / Où tous les ports de la terre / Sont rejoints par des traits rouges. " Et il a senti naître en lui la tentation de l'aventure et des départs à travers " l'absolue liberté des mers ". Dès le début de 1921, avant de partir au service militaire, il annonce sa carrière future. Celle d'agent des Messageries Maritimes : " Je serai commissaire dans la marine, et j'irai plus loin que Suez " (26 janvier). Celle aussi de poète : " Je serai le grand méditerranéen, dressé au bord de la côte, sous le soleil des ports et les odeurs des citrons, des pavés chauds et de la bagarre " (6 avril). Longtemps un roman, Mouvements du Port, le hantera, dont il ne cache pas, dans ses lettres, le caractère autobiographique : " On ne s'embarque pas comme ça parce qu'on le veut. Il faut une préparation. A moins de partir novice, et c'est là un romantisme excessif pour un jeune homme qui, malgré sa brutalité native, est allé au lycée jusqu'à dix-huit ans. Il me faut donc, - une fois que Jean, son héros, s'est reconnu, et qu'il voit comme possible ce départ qu'il n'osait pas espérer tellement son désir était absolu - qu'il s'y prépare de tout son coeur, à travers les dernières embûches de la terre qu'il commence à ce moment-là à regarder avec des yeux d'errant " (7 juin 1926).
On reconnaît dans ce texte le thème de Marius de Marcel Pagnol (joué seulement en 1929) : " Fanny, je ne veux pas rester derrière ce comptoir toute ma vie à rattraper la dernière goutte ou à calculer le quatrième tiers pendant que les bateaux m'appellent sur la mer [...]. Il y a longtemps que cette envie m'a pris [...]. J'avais peut-être dix-sept ans [...]. Lorsque je vais sur la jetée, et que je regarde le bout du ciel, je suis déjà de l'autre côté. Si je vois un bateau sur la mer, je le sens qui me tire comme avec une corde. Ça me serre les côtes, je ne sais plus où je suis. " Le vertige de la tentation de la mer, tel est le sentiment qui sera chez Marius plus fort que l'amour même. Il l'est déjà dans Et l'au-delà de Suez de Louis Brauquier, si déçu que son ancien camarade n'ait pas, comme il l'avait promis, placé un de ses poèmes en épigraphe de sa pièce.
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